Immobilier : coup d’arrêt pour la hausse des prix

La plateforme Meilleurs Agents relève un net arrêt de l’augmentation des prix depuis l’épidémie de coronavirus. Un ralentissement qui se fait sentir dans les grandes villes qui tiraient le marché et qui devrait se poursuivre.

 La plateforme Meilleurs Agents table sur un ralentissement des prix notamment dans les grandes villes dont certaines voient la tension baisser.
La plateforme Meilleurs Agents table sur un ralentissement des prix notamment dans les grandes villes dont certaines voient la tension baisser. LP/Frédéric Dugit

    « On rentre dans une nouvelle ère ». Le message délivré ce mercredi par Meilleurs Agents lors de sa conférence de presse de rentrée est clair : la hausse continue des prix depuis cinq ans, c'est terminé. Des villes comme Toulouse qui étaient à + 7 % entre le 1er septembre 2019 et le 15 mars 2020 sont désormais à -0,5 % depuis le confinement.

    Même ralentissement, dans une moindre mesure, à Rennes (+ 5,9 % + 0,5 %), Lille (+ 5,8 % + 0,5 %), et même Paris (+ 5,1 %-0,4 %), où le seuil des 11 000 euros/m² qui aurait dû être atteint d'ici la fin de l'année paraît désormais hors de portée. « On rentre dans un nouveau cycle avec une demande qui va s'éroder et un marché de l'emploi affaibli. Néanmoins, on n'attend pas un effondrement car les banques vont continuer à jouer leur rôle de financeur », avance Thomas Lefebvre, directeur scientifique de Meilleurs Agents.

    Le spécialiste dans l'estimation immobilière, qui vient d'être rachetée par le groupe allemand Axel Springer, estime à -1 % l'évolution des prix d'ici à septembre 2021 en France, contre + 1 à + 2 % par les années précédentes. Avec, dans le détail, de fortes disparités régionales : + 2 à + 4 % à Lille, entre 0 et + 2 % à Rennes et Paris, un cortège de stagnation (0 %) à Marseille, Bordeaux, Toulouse (etc...) et une baisse de -2 % à 0 % à Montpellier et Nice. « Il ne s'agit pas, je le rappelle, d'un effondrement, mais d'une rupture par rapport aux années passées », reprend l'analyste.

    Pour élaborer ses projections, la plateforme a croisé plusieurs chiffres : le pouvoir d'achat, l'amortissement de l'achat contre la location, les emplois perdus (destruction de l'emploi entre février et juillet)*, ceux à risque (nombre d'équivalents temps plein en chômage partiel du 12 mai au 20 juillet ramené à la population active et au département)*et la force de la demande la par ville, à travers l'Indicateur de Tension immobilière (ITI), un indicateur de Meilleurs Agents qui mesure le rapport de force entre la demande et l'offre.

    «La baisse de la demande est quasi généralisée»

    Lille est ainsi la ville où les prix devraient continuer d'augmenter en 2021 : « Le pouvoir d'achat y est bon, les prix ne sont pas très élevés, la durée d'amortissement est courte, la demande est forte et elle a moins souffert en termes d'emploi », reprend Thomas Lefebvre. A contrario, les prix pourraient baisser à Montpellier et Nice car le marché de l'emploi souffre déjà et les perspectives nationales en matière de chômage (11,5 % à la mi 2021, 10 % en 2022 selon les projections de la Banque de France, contre 7,6 % au premier trimestre 2020) risquent d'aggraver la situation. Et c'est bien l'emploi qui va être déterminant plus que les taux de crédit. La situation de certaines villes comme Nice, Cannes, Roubaix, Mulhouse inquiète ou semble à risque comme Paris, Besançon, Strasbourg, Toulouse.

    Meilleurs Agents note également une chute de la tension dans les grandes villes de France, sauf Lille Strasbourg et Toulouse : « Les villes locomotives commencent à caler. La baisse de la demande est quasi généralisée », pointe Pierre Vidal, responsable de la recherche chez Meilleurs Agents. A Paris, l'Indicateur de Tension immobilière (ITI) est ainsi passé de 26 % en mars à 11 % en septembre, celui des dix plus grandes villes de France a lui aussi chuté de 21 à 13 %. Mais celles où le marché est très tendu (avec un excédent de demande) ont encore de la marge pour absorber le choc. Paris garde ainsi un fort potentiel de résilience : « L'indice du pouvoir d'achat est assez négatif et le chômage partiel reste élevé, mais il y a d'autre relais, nuance Thomas Lefebvre. C'est une ville centre, la première région en production de valeurs… C'est un marché de secundo accédants qui ont un apport et sont plus aisés. »

    Pas d'éloignement des centres urbains

    Cette catégorie sera sans doute moins impactée que les primo-accédants. Les taux de crédit sont historiquement bas et devraient le rester, mais ils ne seront pas proposés à tout le monde. « Les ménages avec les meilleurs profils vont continuer à être financés avec des taux favorables, mais ça va être plus dur pour ceux qui n'ont pas d'apport, qui ont un taux d'endettement élevé ou qui empruntent sur 25 ans ou plus », estime Thomas Lefebvre. Plusieurs signes montrent déjà un resserrement des conditions d'octroi de crédit : l'augmentation du taux d'apport, de la part des emprunteurs plus fortunés et la baisse de celle des revenus plus bas, le recul de la part des prêts à 25 ans et plus et de la part des prêts à des investisseurs.

    Enfin, Meilleurs Agents ne constate pas pour le moment de changement structurel de la demande comme un éloignement des centres urbains. « Il faut attendre », conclut Thomas Lefebvre.

    * Source Insee et Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), qui dépend du ministère du Travail.