Immobilier : le nombre de crédits chute mais ce n’est pas dramatique
D’après les chiffres de la Banque de France publiés ce lundi 6 mai, la production de crédit à l’habitat a reculé en mars pour s’établir à 6,7 milliards d’euros. Un plus bas historique depuis 2014, alors que les conditions du crédit se sont améliorées, notamment grâce à la baisse des taux.
Les chiffres de la Banque de France publiés ce lundi 6 mai 2024 sont venus jeter un froid chez les professionnels de l’immobilier. Le montant des nouveaux crédits à l’habitat, hors renégociations, a de nouveau baissé en mars, à 6,7 milliards d’euros. C’est son niveau le plus bas depuis octobre 2014, et le mois précédent il était de 7,4 milliards d’euros. Pourtant, bon nombre d’acteurs du marché comme les banques et les courtiers évoquent une embellie amorcée par la baisse des taux depuis déjà plusieurs mois.
« Sur des mois comme novembre et décembre où nous étions encore en plein dans la crise, nous recevions sur notre site à peine 20 000 dossiers pour une demande de crédit. Depuis le début de l’année, nous sommes remontés à près de 40 000 par mois », assure Maël Bernier, porte-parole du courtier en ligne Meilleurtaux. Sans pour autant revenir à ses niveaux d’avant la crise, les octrois de crédits repartiraient donc bien à la hausse.
« Il y a bien une reprise de la production de crédits », dit la Banque de France
Une publication permet de confirmer cette affirmation : d’après l’Observatoire du Crédit logement, la production de crédit a augmenté de 73,8 % entre décembre 2023 et avril 2024. Comment expliquer un constat si différent de celui de la Banque de France ? Marie-Laure Barut-Etherington, directrice générale adjointe en charge des statistiques et des études pour la banque centrale explique que cela est dû à une différence dans la méthode.
« La Banque de France collecte ses données au moment où la banque qui contracte le prêt le déclare. Alors que l’Observatoire du Crédit Logement mesure la situation au moment de l’octroi de la garantie. Il peut y avoir plus de deux mois de décalage entre ces étapes », explique-t-elle. Ainsi, les chiffres de la Banque de France pour le mois de mars rendent compte de crédits dont la négociation a pu commencer fin 2023, au moment où le marché était encore sclérosé.
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Il y aurait donc bien une embellie, et la chute annoncée par la banque centrale pour le mois de mars serait en trompe-l’œil. « J’ai tout lieu de penser qu’il y a une reprise de la production de crédits, et qu’elle sera perceptible dans nos prochaines publications. Mais elle reste faible », nuance Marie-Laure Barut-Etherington qui rappelle qu’au moment où les taux étaient encore bas, le montant des nouveaux crédits pouvait atteindre 15 voire 20 milliards par mois. Pourrait-on atteindre de tels niveaux à nouveau ? Pour elle, ce ne serait pas si souhaitable : « à l’époque, cela a contribué à l’inflation des prix de l’immobilier », justifie la statisticienne de la Banque de France.
Le HCSF mis en cause
Toujours est-il que nous n’y sommes pas, et que les candidats à la propriété ne se précipitent pas encore. Les courtiers considèrent même que malgré la baisse des taux, le marché est toujours freiné par certaines règles édictées par le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF). Cette autorité chargée notamment d’encadrer les conditions d’octroi de crédit immobilier avait été créée en 2013 après la crise financière, pour veiller à ce que les Français ne se surendettent pas.
Pour Maël Bernier de Meilleurtaux, le HCSF est « le point noir ultime du marché et ses règles sont totalement iniques ». Une proposition de loi déposée en février par un député Renaissance proposait de le réformer, et contenait une mesure qui aurait permis de déroger à ses normes en matière de conditions d’octroi de crédit. Mais son parcours législatif s’est arrêté fin avril, après que son auteur l’a retirée car elle avait été dénaturée par des amendements.
Pour la Banque de France, dont le gouverneur siège au sein du HCSF en compagnie notamment du ministre de l’Économie, le rôle de cette autorité dans la crise du crédit est à relativiser. « Les normes du HCSF sont contraignantes, mais elles accordent aux banques une flexibilité : 20 % des nouveaux prêts qu’elles accordent peuvent y déroger », relève Marie-Laure Barut-Etherington. D’après elle, les établissements bancaires n’exploiteraient pas complètement cette marge : au maximum, elles l’utiliseraient à 15 %.